IPE et pancréatite chronique

Renseignements généraux

La pancréatite chronique est la cause la plus courante d’IPE1. La pancréatite chronique a plusieurs causes, et l’inflammation qu’elle déclenche entraîne une perte permanente du tissu pancréatique et un dysfonctionnement du pancréas2. Tant les tissus endocrines qu’exocrines du pancréas sont endommagés de façon irréversible2. Chez les patients atteints de pancréatite chronique, la destruction du tissu pancréatique entraîne une IPE découlant de l’incapacité de produire des enzymes pancréatiques1.

Épidémiologie

L’incidence enregistrée de la pancréatite chronique dans les pays industrialisés varie entre 3,5 et 10 cas pour 100 000 personnes2 et augmente avec l’âge3. La prévalence estimée est de 28,5 à 41,8 pour 100 000 personnes, et les hommes adultes sont plus souvent touchés3. La prévalence de l’IPE au sein de cette population de patients varie selon la gravité de la pancréatite chronique: selon les estimations, soit entre 30 % pour les cas légers et 85 % pour les cas graves3.

Causes

La pancréatite chronique peut être causée par des facteurs environnementaux, auto-immuns et génétiques3,2

  • Alcool
  • Maladie auto-immune
    • Idiopathique
  • Traumatisme
  • Hérédité Maladie congénitale
  • Hyperparathyroïdie
  • Hyperlipidémie
  • Fibrose kystique
  • Malnutrition protéo-calorique

Dans cette liste, les facteurs environnementaux sont les plus communs – la consommation excessive d’alcool représente 70 à 80 % des cas3. Le tabagisme est aussi un facteur contributif lié à la quantité en ce qui concerne l’apparition et la progression de la pancréatite chronique, surtout en association avec la surconsommation d’alcool3.

Chez les adultes, environ 10 % des cas de pancréatite chronique sont idiopathiques3.

Physiopathologie

L’inflammation liée à la pancréatite chronique présente plusieurs caractéristiques physiopathologiques, dont les suivantes4 :

  • Fibrose du tissu pancréatique
  • Dilatation du canal pancréatique
  • Calcification du canal pancréatique ou du parenchyme
  • Dysfonctionnement de nature endocrine ou exocrine

De plus, une inflammation aiguë, une nécrose des tissus adipeux et un pseudo-kyste pancréatique peuvent être présents2.

La destruction des cellules canalaires et acineuses pancréatiques réduit la capacité du pancréas à produire les enzymes digestives, soit l’amylase, la lipase et la protéase, ce qui entraîne la maldigestion et la malabsorption3,5.

Lorsque la consommation excessive d’alcool est la cause de la pancréatite chronique, les symptômes d’IPE se manifestent habituellement après 10 à 15 ans d’abus3.

L’IPE s’est révélée être un facteur de risque indépendant d’un taux de mortalité accru chez des patients atteints de pancréatite chronique6.

Malgré la perte de fonctions pancréatiques causée par l’IPE, d’autres parties du tube digestif peuvent s’occuper relativement bien de la digestion des glucides et des protéines. Toutefois, la digestion des graisses est plus compliquée, et dans ce cas la lipase pancréatique représente une partie essentielle du processus et aucune autre enzyme ne peut la remplacer2.

L’absorption des graisses est particulièrement affectée par l’IPE3.

  • Le pancréas est le principal producteur de lipase pour la digestion des graisses.
  • La capacité du pancréas de produire et de sécréter de la lipase est compromise plus tôt et dans une plus grande mesure que dans le cas d’autres enzymes pancréatiques, surtout en présence de pancréatite chronique.
  • L’activité de la lipase dans l’estomac ne peut pas compenser la perte de production de lipase pancréatique.
  • Lorsqu’il y a insuffisance pancréatique exocrine, le pancréas ne réussit plus à sécréter la quantité normale de bicarbonate de sodium nécessaire pour empêcher les enzymes pancréatiques d’être détruites par l’acide gastrique.
    • Le faible pH désactive les acides biliaires, ce qui réduit la solubilisation des graisses.
  • Les patients atteints de pancréatite chronique qui présentent aussi une IPE ont besoin d’un traitement de substitution d’enzymes pancréatiques (TSEP) pour améliorer la digestion et l’absorption des nutriments4.

CONSTATATION

Chez les personnes en bonne santé, l’activité de la lipase dans l’estomac compte pour environ 10 % de la digestion des graisses, mais cette proportion dépasse les 90 % chez les patients présentant une IPE.

Suleiman SL, et al. 20123

Signes et symptômes

Les trois principales caractéristiques cliniques de la pancréatite chronique et de l’IPE qui en découle sont la douleur abdominale, la maldigestion et le diabète2.

La maldigestion, causée par l’IPE, survient relativement tard après l’apparition de la pancréatite chronique parce qu’elle ne devient évidente que lorsque la production d’enzymes digestives tombe sous les 10 % de la sécrétion normale.

L’IPE cause une malabsorption et une maldigestion, ce qui entraîne les symptômes suivants2,7 :

Symptômes

  • PERTE DE POIDS
  • DOULEUR ABDOMINALE
  • FATIGUE
  • DIARRHÉE
  • STÉATORRHÉE
  • FLATULENCES

La stéatorrhée se caractérise par des selles graisseuses et nauséabondes, et est la manifestation clinique la plus courante de l’IPE. Cependant, elle peut se manifester seulement lorsque la maladie a atteint un stade avancé2,8.

La stéatorrhée se manifeste chez environ 30 % des patients atteints de pancréatite chronique. Elle peut être associée à des carences en vitamines liposolubles – vitamines A, D, E et K – et mener à l’ostéoporose et à d’autres complications2.

Le diabète peut être un symptôme tardif de la pancréatite chronique parce qu’en plus de causer des dommages au pancréas exocrine, elle nuit à la fonction endocrine du pancréas. Il s’agit du diabète de type 3c, qui détruit les cellules sécrétant de l’insuline et des cellules sécrétant du glucagon2.

Complications

Les complications découlant de la maldigestion et de la malabsorption pourraient avoir progressivement un effet néfaste sur le bien-être d’un patient et se répercuter sur l’évolution de la maladie sous-jacente, en plus d’accroître la morbidité et la mortalité9,10. Pour une présentation complète des complications de l’IPE, CLIQUER ICI.

Diagnostic

L’IPE se manifeste tardivement chez les patients atteints de pancréatite chronique et peut être diagnostiquée facilement par des méthodes précises, de même que par des techniques d’imagerie qui facilitent le diagnostic de pancréatite à un stade avancé. Les premiers stades d'une pancréatite sont toutefois plus difficiles à diagnostiquer2 pancréatite.

Les patients atteints d’une pancréatite chronique qui présentent de la douleur abdominale, une diarrhée, des carences alimentaires et une perte de poids non intentionnelle devraient faire l’objet d’un dépistage de l’IPE2.

Plusieurs méthodes permettent de diagnostiquer l’IPE. Les méthodes indirectes sont les plus souvent utilisées en milieu clinique. Pour obtenir une présentation détaillée de ces techniques, CLIQUER ICI.

Traitement

Le traitement de substitution d’enzymes pancréatiques (TSEP) est le traitement usuel de l’IPE2.

Chez les patients atteints de pancréatite chronique et de l’IPE qui en découle, le TSEP s’est révélé bénéfique sur le plan de l’absorption des graisses, de la fréquence des selles et de leur teneur en graisses, des flatulences, de la douleur abdominale, du poids, de l’IMC et de l’amélioration de la qualité de vie11.

Protocole de l’étude11

Une étude de prolongation ouverte de 51 semaines suivant un essai multicentrique, à double insu, à répartition aléatoire et contrôlé par placebo d’une durée d’une semaine a été réalisée en Inde. Soixante-et-un patients adultes atteints de pancréatite chronique et d’une IPE confirmée y étaient inscrits. Les patients recevaient de la pancréatine (pancrélipase) à raison de 80 000 unités Ph. Eur. de lipase à chacun des trois principaux repas de la journée, et 40 000 unités supplémentaires avec chaque collation (jusqu’à trois par jour).

Après les 51 semaines du traitement par la pancréatine, une amélioration importante a été observée chez les patients souffrant d’une IPE liée à une pancréatite chronique, par rapport aux valeurs de référence a. de la fréquence des selles, b. du poids et c. de l’IMC.

Pour en savoir plus sur le traitement de l’IPE par le TSEP, la posologie du TSEP et d’autres aspects de la prise en charge de l’IPE, CLIQUER ICI.

Références

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  2. Smith RC, Smith SF, Wilson J, Pearce C, Wray N, Vo R, et al. Australasian guidelines for the management of pancreatic exocrine insufficiency. Australasian Pancreatic Club, octobre 2015. p. 1-122.
  3. Suleiman SL, Kadiyala V, Conwell DL. Pancreatic exocrine insufficiency. Part 1 of 2: Pathogenic and Diagnostic Considerations. Gastroenterology and Endoscopy News, Édition spéciale, 2012. p. 51-56. Téléchargeable au site: http://www.gastroendonews.com/download/Pancre_CaPart1GENSE12_WM.pdf. Dernière consultation: novembre 2017.
  4. Thorat V, Reddy N, Bhatia S, Bapaye A, Rajkumar JS, Kini DD, et al. Randomised clinical trial: the efficacy and safety of pancreatin enteric-coated minimicrospheres (Creon 40000 MMS) in patients with pancreatic exocrine insufficiency due to chronic pancreatitis: a double-blind, placebo-controlled study. Aliment Pharmacol Ther. 2012;36(5):426-36.
  5. Imrie CW, Connett G, Hall RI, et al. Review article: enzyme supplementation in cystic fibrosis, chronic pancreatitis, pancreatic and periampullary cancer. Aliment Pharmacol Ther. 2010;32(Suppl 1):1-25.
  6. de la Iglesia-Garcia D, Vallejo-Senra N, Iglesias-Garcia J, López-López A, Nieto L, Domínguez-Muñoz JE. Increased Risk of Mortality Associated With Pancreatic Exocrine Insufficiency in Patients With Chronic Pancreatitis. J Clin Gastroenterol. 30 août 2017. doi: 10.1097/MCG.0000000000000917.
  7. Sikkens EC, Cahen DL, van Eijck C, Kuipers EJ, Bruno MJ. Patients with exocrine insufficiency due to chronic pancreatitis are undertreated: a Dutch national survey. Pancreatology. 2012;12(1):71-73.
  8. Leeds JS, Oppong K, Sanders DS. The role of fecal elastase-1 in detecting exocrine pancreatic disease. Nat Rev Gastroenterol Hepatol. 2011;8:405-15.
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  11. Ramesh H, Reddy N, Bhatia S, et al. A 51-week, open-label clinical trial in India to assess the efficacy and safety of pancreatin 40000 enteric-coated minimicrospheres in patients with pancreatic exocrine insufficiency due to chronic pancreatitis. Pancreatology. 2013;13(2):133-9.