Renseignements généraux

La fibrose kystique est une maladie génétique récessive autosomique qui cause une sécrétion défectueuse de chlorure et de bicarbonate dans les cellules épithéliales dans plusieurs parties du corps. Ces sécrétions affectent le contenu en eau des cellules épithéliales, ce qui cause de nombreux symptômes cliniques, notamment une détérioration progressive de l’appareil respiratoire et du tube digestif. Dans le pancréas, les sécrétions deviennent visqueuses et présentent une teneur élevée en sel1. Avec le mucus, ces sécrétions empêchent la libération des enzymes, ce qui cause une insuffisance pancréatique exocrine (IPE)1,2. Grâce aux traitements mis au point ces dernières années, les personnes atteintes de fibrose kystique ont une meilleure espérance de vie, mais il demeure qu’elles connaissent une mort prématurée1.

Épidémiologie

La fibrose kystique touche jusqu’à 1 naissance vivante sur 2 500-3 0001. De 55 à 100 % des patients atteints de fibrose kystique sont atteints d’IPE dans une certaine mesure2, et 85 à 95 % des enfants en présentent des symptômes à un an.

Au Canada, la prévalence de l’IPE chez les patients atteints de fibrose kystique dépasse 4 100, et 120 nouveaux cas avaient été diagnostiqués en 20149. Une IPE grave a été observée chez plus de 80 % des personnes atteintes de fibrose kystique2.

Causes

L’IPE chez les personnes atteintes de fibrose kystique découle de la présence de sécrétions épaisses et très concentrées qui viennent obstruer les canaux pancréatiques. Cette obstruction cause une réduction du volume et de la concentration des enzymes pancréatiques et du bicarbonate parvenant jusqu’aux intestins. On observe alors une maldigestion et une malabsorption des graisses et des protéines, lesquelles sont exacerbées par une diminution de la motilité gastro-intestinale et une augmentation de la sécrétion d’acide gastrique. De plus, la sécrétion de bicarbonate du pancréas est réduite, ce qui peut causer un retard de la vidange gastrique et un reflux gastro-œsophagien3.

De plus, la persistance d’enzymes très concentrées dans les structures acineuses et canalaires cause des dommages aux cellules locales, une atrophie des cellules acineuses, une fibrose et le remplacement des cellules normales de l’organe par des cellules adipeuses3.

Physiopathologie

La fibrose kystique est causée par des mutations dans le code génétique du régulateur de la perméabilité transmembranaire de la fibrose kystique, la protéine CFTR. En raison de ces mutations, on observe une perte fonctionnelle de la protéine CFTR qui entraîne une réduction du chlorure à la surface apicale des cellules épithéliales et des augmentations de la réabsorption de sodium et d’eau sur toutes les surfaces de ces cellules1,3.

L’entrave au transport cellulaire des ions de chlorure influe sur les niveaux d’eau intracellulaire et a pour effet de réduire le volume des sécrétions exocrines du pancréas et d’accroître la viscosité de ces sécrétions, ce qui entraîne une obstruction des canaux pancréatiques, la destruction des cellules acineuses, une fibrose et une IPE3.

La présence de liquides épais ayant une teneur élevée en sel non seulement dans le pancréas, mais dans bien d’autres organes, notamment les poumons, se traduit par d’autres symptômes classiques de la fibrose kystique, comme les infections respiratoires récurrentes avec bronchectasie1.

Le risque d’IPE auquel sont exposés les patients atteints de fibrose kystique dépend de la mutation génétique dont ils sont porteurs. Cependant, dans la grande majorité des cas, les patients sont porteurs de deux mutations génétiques « graves » et finissent par être atteints d’IPE. Environ 10 % des patients atteints de fibrose kystique sont porteurs d’au moins une mutation « légère » et ne présentent habituellement aucun symptôme d’IPE (leur fonction pancréatique n’est pas altérée) et grandissent normalement, mais ils peuvent être atteints de l’IPE une fois adultes2.

CONSTATATION

Chez plus de 95 % des gens porteurs de graves mutations de la protéine CFTR, la fonction pancréatique est altérée dès l’enfance ou leur état progresse vers l’IPE.

L’IPE devrait être envisagée chez les personnes ayant nouvellement reçu le diagnostic d’une maladie pancréatique qui prédispose à une IPE, y compris la fibrose kystique.

Durie P, et al. 20189

Signes et symptômes

En général, l’IPE cause une malabsorption et une maldigestion, ce qui entraîne les symptômes suivants1,4 :

Symptômes

  • PERTE DE POIDS
  • DOULEUR ABDOMINALE
  • FATIGUE
  • DIARRHÉE
  • STÉATORRHÉE
  • FLATULENCES

Pour certains nourrissons atteints de fibrose kystique, l’amylase et la lipase contenues dans le lait maternel préviennent l’IPE dans une certaine mesure. Ces nourrissons ne perdront pas de poids avant leur sevrage. Les enfants plus âgés pourraient compenser la perte de nutriments dans les selles par un appétit et un apport alimentaire plus grands, et ne présenter des pertes de poids soudaines qu’après des infections intercurrentes pendant lesquelles l’apport alimentaire a diminué3.

Chez une petite proportion des patients atteints de fibrose kystique (< 10 à 20 %) homozygotes ou hétérozygotes pour les mutations moins graves, la fonction pancréatique pourrait être suffisante pour permettre une croissance normale pendant toute l’enfance. Ces patients pourraient présenter les symptômes d’IPE à l’âge adulte, de même que des épisodes de pancréatite3.

La stéatorrhée se caractérise par des selles graisseuses et nauséabondes, et est la manifestation clinique la plus courante de l’IPE5. La stéatorrhée peut être associée à des carences en vitamines liposolubles – vitamines A, D, E et K – et mener à l’ostéoporose et à d’autres complications2.

Complications

Les complications découlant de la maldigestion et de la malabsorption pourraient avoir progressivement un effet néfaste sur le bien-être d’un patient, en plus d’accroître la morbidité et la mortalité4,6,7. Pour obtenir des renseignements plus complets sur les complications de l’IPE, CLIQUER ICI.

Diagnostic

Plusieurs méthodes permettent de diagnostiquer l’IPE. Les méthodes indirectes sont les plus souvent utilisées en milieu clinique. Un de ces tests, le dosage des graisses fécales sur 3 à 5 jours, est recommandé parce qu’il permet d’établir une bonne corrélation avec des tests directs de la fonction pancréatique. Toutefois, le dosage de l’élastase fécale est une solution de rechange pratique1.

Pour obtenir une présentation détaillée de ces techniques, CLIQUER ICI.

Il faut mesurer la taille et le poids des nourrissons atteints de fibrose kystique tous les mois. Chez les enfants, ces mesures peuvent être faites tous les deux à trois mois. Un test indirect pour le dépistage de l’IPE devrait être réalisé tous les 4 à 6 mois.

Ces tests devraient être effectués plus souvent chez les patients atteints de fibrose kystique qui n’affichent pas la prise de poids prévue ou présentent des symptômes associés à l’IPE, comme une stéatorrhée1.

Mesure Nourrissons (0-2 ans) Enfants (2-18 ans) Adultes (>18 ans)
Taille (couché) Une ou deux fois par semaine jusqu’à ce qu’il y ait une croissance, puis une fois par mois
Taille (debout) Tous les trois mois Annuellement
Poids Une ou deux fois par semaine jusqu’à ce qu’il y ait une croissance, puis une fois par mois Chaque visite clinique* Chaque visite clinique*
Tour de tête Une ou deux fois par semaine jusqu’à ce qu’il y ait une croissance, puis une fois par mois
Données inscrites sur la courbe de croissance
% du PCI
IMC
Données inscrites sur la courbe centile de l’IMC

Adapté de Stapleton, et al. 20061.

* Toutes les deux semaines si les visites cliniques sont plus fréquentes.

Si la croissance s’est interrompue, sinon tous les trois mois jusqu’à ce qu’une interruption de croissance soit démontrée (pour les garçons atteints de FK, on considère que la croissance se poursuit jusqu’à 20 ans).

% du PCI = pourcentage du poids corporel idéal, IMC = indice de masse corporelle

Adapté d’APC Guidelines, 20151.

Traitement

Traitement de l’IPE chez les patients atteints de fibrose kystique

Une IPE non traitée chez des patients atteints de fibrose kystique peut avoir les effets suivants3 :

  • Une croissance freinée
  • Un retard de puberté
  • Une détérioration de la fonction pulmonaire
  • Une insuffisance respiratoire
  • Une mort précoce

Le traitement de substitution d’enzymes pancréatiques (TSEP) est essentiel pour les patients atteints d’IPE découlant de la fibrose kystique, pour corriger la malabsorption et la malnutrition, réduire la stéatorrhée et atteindre une croissance normale3.

Chez les nourrissons, la posologie initiale devrait être de 2 000 à 5 000 unités de lipase avec chaque prise de nourriture (habituellement 120 ml) et ajustement de la dose pour atteindre au plus 2 500 unités de lipase/kg avec chaque prise de nourriture, pour une dose quotidienne maximale de 10 000 unités de lipase par kilogramme par jour.

Chez les enfants de moins de 4 ans, les doses d’enzymes établies en fonction du poids devraient commencer à
1 000 unités de lipase/kg de poids corporel à chaque repas. Dans le cas des enfants de plus de 4 ans et des adultes, la dose initiale recommandée est de 500 unités de lipase/kg de poids corporel à chaque repas.

Généralement, la moitié d’une dose usuelle est donnée avec les collations. La posologie doit être ajustée selon la gravité de la maladie, le degré de maîtrise de la stéatorrhée et le maintien d’un bon état alimentaire.

La colopathie fibrosante a été observée chez des patients atteints de fibrose kystique qui prenaient plus de 10 000 unités de lipase/kg de poids corporel par jour8.

Pour les enfants d’âge scolaire, le fait de prendre un grand nombre de capsules avec leur nourriture pourrait contribuer à leur stigmatisation, ce qui pourrait entraîner une faible observance du traitement et, par le fait même, une faible croissance et/ou une perte de poids. Les conséquences d’une application sous-optimale du TSEP pourraient être exposées au patient et à sa famille3.

Les doses peuvent être ajustées en fonction du gain de poids et de l’état des intestins pour que la plus faible dose efficace soit trouvée. Les signes et symptômes de malabsorption, comme la douleur, un excès de gaz et la fréquence et la consistance des selles, ne sont pas des indications pour l’ajustement de la posologie1.

En plus du TSEP, des suppléments de vitamines A, D, E et K devraient aussi être donnés en prophylaxie1.

Pour en savoir plus sur le traitement de l’IPE par le TSEP, la posologie du TSEP et d’autres aspects de la prise en charge de l’IPE, CLIQUER ICI.

Prise en charge à long terme et surveillance de l’IPE chez les patients atteints de fibrose kystique1.

Chez les enfants, divers éléments doivent être évalués à intervalles réguliers : taille, poids, tour de tête, apport nutritionnel, analyses biochimiques, examen du transit intestinal et du fonctionnement des intestins. Chez les très jeunes enfants, les évaluations de l’apport nutritionnel devraient être plus fréquentes.

Les adultes peuvent perdre du poids au fil des années en raison du vieillissement, de l’ostéoporose et d’une cyphose. Une évaluation approfondie de l’apport nutritionnel devrait être effectuée au moins une fois par année.

Principaux éléments de l’évaluation nutritionnelle des patients atteints de fibrose kystique :

Principaux éléments de l’évaluation Utilité
Apport énergétique Bilan énergétique et répercussions sur le poids
Consommation de matières grasses Densité d’énergie et pertinence du TSEP
Préférences alimentaires et variété des aliments Adéquation de l’apport de micronutriments et de fibres; Secteurs cibles à améliorer
TSEP : posologie, observance du traitement et symptômes gastro-intestinaux Adéquation du régime posologique du TSEP
Suppléments : vitamines et minéraux, suppléments nutritionnels oraux et entériques Adéquation de l’apport de micronutriments; contribution à l’apport énergétique et nutritionnel
Apport de sodium et de liquides Hydratation et bilan du sodium
Traitements complémentaires ou de médecine douce liés à la nutrition Adéquation de l’apport en micro- et macronutriments
Adapté d’APC Guidelines, 20151.

Références

  1. Smith RC, Smith SF, Wilson J, Pearce C, Wray N, Vo R, et al. Australasian guidelines for the management of pancreatic exocrine insufficiency. Australasian Pancreatic Club, octobre 2015. p. 1-122.
  2. Keller J, Layer P. Human pancreatic exocrine response to nutrients in health and disease. Gut. 2005;54(Suppl 6):vi1-28.
  3. Imrie CW, Connett G, Hall RI, et al. Review article: enzyme supplementation in cystic fibrosis, chronic pancreatitis, pancreatic and periampullary cancer. Aliment Pharmacol Ther. 2010;32(Suppl 1):1-25.
  4. Sikkens EC, Cahen DL, van Eijck C, Kuipers EJ, Bruno MJ. Patients with exocrine insufficiency due to chronic pancreatitis are undertreated: a Dutch national survey. Pancreatology. 2012;12(1):71-73.
  5. Domínguez-Muñoz JE. Pancreatic exocrine insufficiency: diagnosis and treatment. J Gastroenterol Hepatol. 2011;26(Suppl 2):12-16.
  6. Ockenga J. Importance of nutritional management in diseases with exocrine pancreatic insufficiency. HPB (Oxford). 2009;11(Suppl 3):11-15.
  7. Fitzsimmons D, Kahl S, Butturini G, van Wyk M, Bornman P, Bassi C, Malfertheiner P, George SL, Johnson CD. Symptoms and quality of life in chronic pancreatitis assessed by structured interview and the EORTC QLQ-C30 and QLQ-PAN26. Am J Gastroenterol. 2005;100(4):918-926.
  8. Toouli J et al. Australasian Pancreatic Club. Management of pancreatic exocrine insufficiency. Med J Aust. 2010; 193(8):461-7.
  9. Durie P, Baillargeon JD, Bouchard S, et al. Diagnosis and management of pancreatic exocrine insufficiency (PEI) in primary care: consensus guidance of a Canadian expert panel. Curr Med Res Opin. janv. 2018;34(1):25-33.