
IPE et cancer du pancréas
Renseignements généraux
L’insuffisance pancréatique exocrine chez les patients souffrant d’un cancer du pancréas peut être causée par l’obstruction du canal pancréatique, par la destruction continuelle du pancréas par les tumeurs et/ou par la perte de tissus pancréatiques à la suite d’interventions chirurgicales1. Il peut y avoir perturbation de la sécrétion de plusieurs enzymes digestives, et une importante corrélation a été établie entre une sécrétion pancréatique endocrine extrêmement réduite et un faible taux de survie2. Même si les patients ne sont pas atteints d’IPE au moment du diagnostic, la plupart en souffriront pendant leur maladie3.
Épidémiologie
Dans les pays développés, l’incidence du cancer du pancréas est estimée à 7,2 cas pour 100 0003. La prévalence enregistrée de l’IPE chez les patients atteints de cancer du pancréas se situe entre 66 % et 92 %; dans cette proportion, 65 % à 75 % des patients sont touchés par une malabsorption des graisses et 50 % des patients connaissent, dans une certaine mesure, une malabsorption des protéines1,2. Les symptômes associés à l’IPE et la malabsorption peuvent entraîner une importante réduction de la qualité de vie chez ces patients3.
Causes
L’IPE est plus susceptible de se manifester chez les patients dont les tumeurs sont situées sur la tête du pancréas et causent une obstruction du canal pancréatique et biliaire3. De plus, on a observé que les tumeurs touchant la tête du pancréas causaient une plus grande réduction de la fonction pancréatique que les tumeurs touchant le corps ou la queue du pancréas2, aussi bien pour la fonction exocrine qu’endocrine1.
Lorsqu’une tumeur cause une obstruction, la sécrétion exocrine ne diminue que lorsque plus de 60 % de la totalité du canal est obstrué. Plus le cancer est près du duodénum, plus la perte de fonction exocrine sera importante1.
Physiopathologie
Le blocage du canal pancréatique principal est la cause la plus courante de l’IPE associée au cancer du pancréas, mais le remplacement du tissu parenchymateux par une tumeur exacerbe le problème3.
En outre, plusieurs autres facteurs contribuent à la physiopathologie de l’IPE associée au cancer du pancréas3 :
- Les facteurs attribuables aux tumeurs causent des anomalies qui se traduisent par une production plus grande de glucose, une augmentation de la synthèse des protéines dans tout le corps et une lipolyse accrue.
- Les réserves de protéines et de graisses s’épuisent.
- Des facteurs mécaniques secondaires, comme une occlusion intestinale, de la douleur, des nausées et des vomissements, peuvent se manifester.
Certains patients subissent une intervention chirurgicale palliative visant à contourner le canal biliaire et l’estomac, mais alors les enzymes pancréatiques et la bile peuvent ne pas arriver dans l’intestin en même temps que la nourriture, ce qui exacerbe les symptômes d’IPE3.
On a observé chez les patients atteints d’un cancer du pancréas une baisse de production de plusieurs enzymes digestives, y compris2 :
- la trypsine
- la lipase
- l’amylase
- l’élastase
La sécrétion de l’une de ces enzymes, l’élastase, pourrait diminuer plus rapidement et dans une plus grande mesure que les autres enzymes digestives2.
CONSTATATION
Parmi tous les types de cancers, le cancer du pancréas est celui qui affiche un des pires taux de survie globale, puisque moins de 5 % des patients vivent plus de cinq années après avoir reçu leur diagnostic.
National Institute for Health and Care Excellence (février 2018) Pancreatic cancer in adults : diagnosis and management.
Voir : https://www.nice.org.uk/ NG85.
Signes et symptômes
L’IPE peut échapper au diagnostic du fait que ses signes et symptômes ressemblent à ceux d’autres maladies gastro-intestinales4.
L’IPE cause une malabsorption et une maldigestion, ce qui entraîne les symptômes suivants3,5 :
Symptômes
- PERTE DE POIDS
- DOULEUR ABDOMINALE
- FATIGUE
- DIARRHÉE
- STÉATORRHÉE
- FLATULENCES
La stéatorrhée se caractérise par des selles graisseuses et nauséabondes, et est la manifestation clinique la plus courante de l’IPE. Cependant, elle peut se manifester seulement lorsque la maladie a atteint un stade avancé2,3.
Toutefois, les symptômes associés à la stéatorrhée ne sont pas toujours présents puisque5 :
- Certains patients atteints d’un cancer du pancréas mangent moins et limitent leur consommation de matières grasses.
- Les opioïdes que les patients prennent parfois pour soulager leur douleur peuvent causer une constipation qui masque les symptômes.
Complications
Les complications découlant de la maldigestion et de la malabsorption pourraient avoir progressivement un effet néfaste sur le bien-être d’un patient et se répercuter sur l’évolution de la maladie sous-jacente, en plus d’accroître la morbidité et la mortalité6-8. Pour une présentation complète des complications de l’IPE, CLIQUER ICI.
Diagnostic
Les patients atteints du cancer du pancréas qui présentent de la douleur abdominale, une diarrhée, des carences alimentaires et une perte de poids non intentionnelle devraient faire l’objet d’un dépistage de l’IPE3.
Plusieurs méthodes permettent de diagnostiquer l’IPE. Les méthodes indirectes sont les plus souvent utilisées en milieu clinique. Pour obtenir une présentation détaillée de ces techniques, CLIQUER ICI.
Traitement
Chez environ 80 % à 90 % des patients atteints d’un cancer du pancréas, le cancer est inopérable ou est à un stade métastatique avancé. C'est pourquoi on opte pour un traitement palliatif dont le but est d’atténuer les symptômes, notamment les problèmes gastro-intestinaux et alimentaires2.
Un traitement précoce de l’IPE est recommandé pour réduire les symptômes et améliorer l’absorption des graisses et la prise de poids chez les patients atteints d’un cancer du pancréas2,3.
Pour les patients présentant une IPE causée par un cancer du pancréas, le traitement de substitution d’enzymes pancréatiques (TSEP) est le traitement usuel de l’IPE2,3.
Les études cliniques ont montré que le TSEP est efficace et important pour la prise en charge nutritionnelle des patients atteints d’un cancer du pancréas inopérable3.
Le traitement de substitution d’enzymes pancréatiques (TSEP) permet d’augmenter le poids corporel et l’absorption des graisses chez les patients atteints d’IPE dont le cancer de la tête du pancréas est inopérable, comparativement au placebo9.
Conception de l’étude
Dans cet essai à double insu et à répartition aléatoire d’une durée de huit semaines, 21 patients atteints d’un cancer de la tête du pancréas inopérable ont reçu soit une dose élevée d’un traitement de substitution à base de pancréatine entérosoluble, soit un placebo. Les capsules du traitement actif contenaient 25 000 unités Ph. Eur. de lipase, 1 250 unités Ph. Eur. de protéase et 22 500 unités Ph. Eur. d’amylase. Les patients prenaient deux capsules par voie orale avec leurs repas principaux et une capsule avec chaque collation. Tous les patients ont reçu des conseils de nutrition9.
Une intervention nutritionnelle (TSEP, supplémentation alimentaire ou consultation avec un diététiste) auprès des patients présentant une IPE causée par un cancer du pancréas pourrait améliorer le taux de survie10.
Répercussions de l’intervention nutritionnelle
Il s’agissait d’une analyse rétrospective réalisée dans un seul centre incluant tous les patients consécutifs au cours d’une période d’un an qui ont reçu un diagnostic de cancer du pancréas (adénocarcinome canalaire pancréatique et tumeurs neuroendocrines). L’objectif était d’évaluer la prévalence de l’IPE et les répercussions d’une intervention nutritionnelle sur la survie globale. Sur les 183 patients admissibles, la majorité (83 %) avait été orientée vers la chimiothérapie palliative, et 63 % présentaient des symptômes d’IPE. Sur les 79 patients (43 %) visés par une intervention nutritionnelle, 93 % ont reçu un TSEP, 4 % ont reçu des suppléments alimentaires et 4 % ont été adressés à un diététiste10.
- Une intervention nutritionnelle (TSEP, supplémentation alimentaire ou consultation avec un diététiste) était un facteur indépendant associé à une survie plus longue (10,2 mois vs 6,9 mois, p = 0,015)10.
- Les patients visés par une intervention nutritionnelle étaient plus susceptibles de recevoir le traitement de chimiothérapie (65,8 % vs 50 %; p = 0,03)10.
L’évaluation de l’apport nutritionnel par un diététiste représente une partie importante de la prise en charge de l’IPE chez les patients atteints d’un cancer du pancréas3.
- Les suppléments alimentaires d’acides gras oméga-3 devraient être envisagés chez les patients atteints d’un cancer du pancréas, puisque ce type de supplément pourrait supprimer le processus inflammatoire présent dans les cas de cachexie liés au cancer3.
- L’IPE peut entraîner des carences en vitamines liposolubles, comme les vitamines A, D, E et K; il faudrait alors aussi songer à donner des suppléments vitaminiques3.
Pour en savoir plus sur le traitement de l’IPE par le TSEP, la posologie du TSEP et d’autres aspects de la prise en charge de l’IPE, CLIQUER ICI.
Références
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